ALIGNEMENT ET MARGE DE RECUL : LA BÊTE NOIRE DES PROPRIÉTAIRES

Souvent confondus et mal compris, l'alignement et la marge de recul sont les deux outils principaux de l'administration afin de rectifier et perfectionner le tracé des voies mais aussi assurer le bon fonctionnement et l'entretien des routes.

Non sans conséquences, ils portent, d'une certaine façon, atteinte au droit de propriété.

L'alignement

Il est réglementé dans le code de la voirie routière (CVR) et est défini comme étant "la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement,  soit par un alignement individuel1" (art L.122-1 du CVR).

Le plan d'alignement : application

Le plan d'alignement est un document à caractère réglementaire2. Il constitue une servitude d'utilité publique (EL7) qui permet de modifier de façon autoritaire et unilatérale les limites préexistantes des voies classées dans le domaine public routier.

Attention! Les chemins ruraux appartiennent au domaine privé de la commune et sont donc exclus du champ d'application.

Le code de la voirie routière reste relativement muet sur l'emprise du plan et sa délimitation. Fort heureusement, il est encadré par la jurisprudence et reste cantonné à l'élargissement et les redressements de faible importance.

Le plan d'alignement : les effets

S'appliquant uniquement aux voies existantes, les effets sont différents selon que le bien est bâti ou non.

Terrain nu - La publication du plan d'alignement sur un terrain nu entraîne le classement immédiat dans le domaine public de la collectivité propriétaire de la voie. Toutefois, la prise de possession ne pourra intervenir qu'après paiement ou consignation des indemnités. Le plan d'alignement est réalisé et cesse de prendre effet.

Terrain bâti - Le plan d'alignement prend effet en différé. Il y a transfert de propriété et incorporation dans le domaine public seulement après destruction des biens. Cette servitude implique qu'aucune nouvelle construction ne peut être autorisée et qu'aucun travaux confortatifs ne peuvent être entrepris, faute de quoi ils seraient contraints d'être démolis sans indemnité. Par travaux confortatifs on entend tous travaux destinés à étendre la durée de vie de l'immeuble.

Attention ! Un terrain clos de mur est assimilé à un terrain bâti.

L'administration peut toujours procéder par acquisition amiable ou par expropriation si elle désire acquérir le terrain immédiatement. Dans tous les cas, à défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée et payée comme en matière d'expropriation, c'est à dire à la suite d'une ordonnance du juge de l'expropriation.

L'arrêté individuel d'alignement

L'alignement individuel est l'acte par lequel l'administration indique à un propriétaire riverain les limites précises de la voie publique par rapport à sa propriété. C'est un acte purement déclaratif valable un an et délivré par la collectivité détentrice de la voie. Il ne crée pas de droit et peut être retiré à tout moment.

Les arrêtés d'alignement sont obligatoirement conformes au plan d'alignement s'il en existe un. A défaut, ils sont conformes à la situation effective et actuelle du terrain. Dans le cas ou il résulterait un empiétement irrégulier de la propriété privée sur la voie publique, l'administration ne pourrait que constater la limite réelle de la voie publique par rapport à la propriété.

La marge de recul

Marge de recul, ligne de recul, marge d'isolement, bande d'inconstructibilité... sont autant de termes pour désigner une bande de terrain privé longeant une voie de circulation importante. Toute nouvelle construction est interdite au sein de cette marge de recul.
Par contre, la marge de recul ne remet pas en cause les constructions existantes et ne fait pas obstacle à l'extension du bâti, dans une certaine limite, contrairement à l'alignement.

On distingue deux réglementations:

La loi Barnier

Issue de la loi Barnier (n°95-101 du 2 Février 1995) codifiée à l'art L.111-6 à 10 du CU, elle est la plus importante.
Considérée comme une servitude d'urbanisme, elle s'applique en dehors des espaces urbanisés des communes. Toutes constructions ou installations sont interdites:

- dans une bande de 100m de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière
- dans une bande de 75m de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation

Les autres marges de recul

Afin de fixer les marges de recul, le département commence à hiérarchiser son réseau routier. Ce réseau départemental est classé selon l'intensité du trafic et l'aménagement du territoire. Une fois le classement des routes effectué, les marges de recul sont fixées par délibération du conseil départemental au travers du règlement de la voirie routière et reportées dans les documents d'urbanisme s'il y en a.

1 Définition rappelée dans un arrêt du Conseil d'Etat du 20 juin 2008, n°306079, Cne de Chenac-Saurin_d'Uzet
2 CE, 28 mai 1935, Chrétien